À contresens

Le mois de juillet qui vient de s’écouler serait le plus chaud du siècle. Les feux, ici et là, ont ravagé des hectares de forêts. La canicule est telle dans les régions du Sud que l’on cherche désespérément des îlots de fraîcheur. Le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres, le développement durable est intégré aux programmes scolaires. Las! Nous apprenons qu’un arrêté, publié au journal officiel, en ce mois d’août 2023, vient d’autoriser, dans le Centre Val-de-Loire, un permis de chasser, à l’année, toute une série d’animaux. Hormis quelques dérogations, la liste reconduite est identique à celle de 2019. Relevons cependant que la sémantique a évolué. À quoi bon? C’est un arrêté qui demeure à l’avantage du chasseur. Ces animaux qui étaient qualifiés de « nuisibles » sont désormais appelés les « ESOD », espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. Sur cette liste, figurent pêle-mêle, le renard, la belette, la fouine, la martre, le corbeau freux, la pie bavarde, le geai des chênes et l’étourneau sansonnet. Ce sont là des animaux que l’on connaît peu, si ce n’est qu’ils nous évoquent certaines fables de notre enfance. Aujourd’hui, la morale est peu glorieuse. Et pour cause, c’est une vision destructiviste de la biodiversité qui se donne à voir. Sachant qu’une distribution géographique de la faune est naturellement à l’œuvre sur un territoire non investi par les humains, on n’a pas fini d’entendre parler d’un lobby de la chasse déviant. Est-ce cela le « en même temps » scandé par les élites qui nous gouvernent qui, alors qu’elles affirment leur engagement écologiste, appliquent concomitamment des décisions destructrices pour le vivant? Alors que nul ne doute de l’urgence écologique -sauf d’irréductibles négateurs d’une évidence qui nous submerge déjà- et de l’effondrement de la biodiversité, comment évaluer les conséquences de tels errements ? En ma qualité d’élue écologiste, je dis NON à cette chasse déviante dont les défenseurs assènent de pseudos vérités dénuées de tout fondement scientifique. Prenons l’exemple du renard, n’est-il pas à la fois un auxiliaire pour l’agriculture et pour notre santé? Ne se nourrit-il pas des mulots qui prolifèrent et nous permettent d’éviter l’usage de répulsifs? Ainsi, le renard aide à lutter contre la maladie de Lyme. C’est l’écosystème qui régule la faune et non la chasse à tout crin! Doit-on rappeler que les animaux ont besoin d’espaces pour vivre en équilibre? Le modèle que l’on se doit de construire ensemble ne saurait faire fi de la conservation de l’environnement. Le constat est aujourd’hui implacable. Mais il n’est pas trop tard pour sauvegarder la nature, ce qui requiert de changer sans délai notre mode de vie consumériste. Alors que la pollution de l’air, des sols, de l’eau menace notre santé, les infrastructures routières se font de plus en plus denses et nous assistons à une hyperurbanisation de nos territoires. Suite à la pandémie de covid 19 et à la révélation d’un lien étroit entre les atteintes à la biodiversité et celles à la santé humaine, j’ai eu l’espoir que nous comprendrions que la sauvegarde de notre environnement contribue à la préservation de notre santé. La faune et la flore sont nos biens communs. Rappelons, à ce titre, que tout animal, fût-il sauvage, est un être vivant qui a des besoins biologiques et auquel il convient de reconnaître une sensibilité propre et un droit plein à l’existence. Dès lors, à quoi peut mener une consultation publique sur le sujet (avec plus de 49000 avis exprimés) s’il est question d’en balayer les résultats d’un revers de la main ? En dépit de ces sombres constats, j’observe dans le cadre de mes interactions quotidiennes avec mes concitoyens que le sujet les préoccupe de façon croissante. Cette vigilance doit être maintenue à chaque instant. N’hésitons pas à nous faire entendre chaque fois qu’ill sera porté atteinte au respect de la vie. Djamila KAOUES

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