DJAMILA KAOUES : plus qu’une prof!

Enseigner est certainement l’un des plus beaux métiers au monde. En cette période si particulière, je dois admettre que, même si mes conditions habituelles de travail sont difficiles, la présence de mes élèves me manque. Et même si mes journées de prof ressemblent fréquemment à des rencontres sportives harassantes, c’est cette volonté de transmettre et de participer à l’éducation de l’enfant, qui continue de m’animer, et me pousse avec des centaines de milliers d’autres collègues, à être sur le pont, jour après jour. Car, au fond, quelle mission plus noble que celle qui consiste à participer à forger la personnalité d’un enfant ou d’un adolescent, adulte en devenir, au fil des mois, des années. En plus de la discipline dispensée, nous transmettons des valeurs, respect, diversité, tolérance, etc. Cela n’est pas un long fleuve tranquille, certes. Loin s’en faut, parfois. Et on a aussi notre lot de galères. Mais on s’accroche toujours et encore à ce beau projet et on se dit, au final, que notre vie pro, du fait des valeurs qui la portent, est plutôt enviable.


Sauf que… si nous nous efforçons de traiter avec équité ces chères têtes blondes et brunes, sans trahir l’éthique de notre profession, force est de constater que les élèves, eux, ne viennent pas en classe avec les mêmes facilités, chances et dispositions. La situation sociale des parents y joue tellement. Les conditions de travail à la maison, soutien parental ou pas, espace d’intimité ou pas, calme ou tempête, cela influe tant sur les possibilités des enfants à qui l’on s’efforce d’inculquer quelques connaissances. Mais tout cela me direz-vous, a été déjà fort bien analysé par des sociologues spécialistes de l’éducation, comme François Dubet et bien d’autres ! En somme, nous n’avons pas attendu le confinement pour savoir que les inégalités existent et qu’elles interfèrent grandement avec le quotidien de nos enfants, participant à creuser le fossé entre eux. Inégalités qui induisent des disparités pour la compréhension des cours, la motivation et les chances de réussite, in fine.


Mais aujourd’hui, tout cela prend un sens tout particulier, en période de confinement. Le présentiel nous permet, à tout le moins de tenter de colmater, certes imparfaitement, les brèches. Confinement oblige, nous passons aux cours en ligne. Pas facile d’expliquer un cours de français, d’étudier un texte de Maupassant, un poème de Victor Hugo derrière un écran. Ou de lire, par écran interposé, un texte de Pierre Rabhi, pour expliquer à nos chers enfants que nous ne leur laissons pas un monde des plus sains, évoquer la transition écologique dont ce fichu virus rappelle la tragique nécessité. Mais il semble que, vivant une expérience extraordinaire que nous adultes, nous n’avons jamais connue à leur âge, ils soient placés, plus que jamais en situation de comprendre la gravité de la situation.

Toutefois, au-delà de cette saisie intuitive si spécifique aux enfants, quel que soit du reste leur niveau, il est des manières d’éduquer qu’un écran ne saurait rendre possible. En classe, on travaille nécessairement en interactivité avec les élèves ; on prend le temps, à chaque fois que possible, d’adapter ses outils, son phrasé, sa manière d’expliquer, à chacun. Parce que les rythmes diffèrent, parce que la compréhension n’est pas aussi aisée chez l’un que chez l’autre, sur tel sujet ou sur tel autre, parce que même avec un dictionnaire, on ne parvient pas toujours à comprendre le sens d’un mot. Parce qu’on sait que tel élève doit bénéficier d’un texte à trou pour pallier sa dyslexie, tel autre au dernier rang a besoin de ce regard bienveillant ou de cette petite phrase valorisante, parce que celle au premier rang papillonne dès le premier quart d’heure passé et qu’il faut veiller à accrocher son regard, au vol. Comment faire tout cela, derrière un écran ? Et d’ailleurs, quid des conditions matérielles de l’interaction? Est-ce que tous bénéficient de la fameuse tablette ou de l’ordinateur pour recevoir les cours, les exercices, pour échanger avec l’enseignant ?


Première partie.

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