Troisième partie.
Et pourtant, qu’on me permette de rappeler, ce qui devrait tenir d’une banalité : notre travail consiste ni plus ni moins à participer à forger, chez nos enfants, les esprits des citoyens de demain.
L’école de la confiance suppose dès lors de contribuer à apporter plus d’équité à tous nos élèves. Pour être honnête, j’ai toujours considéré avec méfiance cette fameuse « égalité des chances » qui n’a d’égalité que le nom. Je préfère parler d’égalité « des possibles » tant il est vrai que, dans la France d’aujourd’hui, les inégalités sont massives, elles sont la norme.
Toi le prof, saisis-toi de cette patate chaude, et fais pour le mieux. Le confinement révèle, au final, ce que nous, profs, faisons remarquer obstinément de fort longue date. Pour que chaque enfant de la République reçoive l’éducation qu’il mérite, il convient que nous tenions compte de ses spécificités , de son mode de vie, de ses éventuels handicaps, de ce qui, dans sa vie, facilite ou constitue un frein à l’acquisition de compétences. Or, le confinement et l’évocation
nonchalante, par nos dirigeants politiques, des « cours à distance » comme si c’était une évidence, via la fameuse tablette dont on ne sait même pas si elle existe, tient, souvent, d’une triste pantalonnade. C’est cela, sans doute, qui explique, le contenu d’une lettre presque désespérée de la Fédération des parents d’élèves au ministre de l’éducation nationale, qu’elle implore de cesser de faire comme si, et de mettre un terme à cette pseudo éducation à distance, et de permettre aux enfants, à la reprise, de continuer au point où ils s’étaient arrêtés, avant la fermeture des écoles. En disant cela, je ne prétends pas soutenir une posture fataliste ou de découragement. Si tel était le cas, il y a belle lurette que j’aurais abandonné ce job que j’aime tant et qui se révèle si passionnant, en même temps que moralement et physiquement, si exigeant. Je tire simplement les conclusions de près de 20 ans d’expérience dans l’enseignement. En notre qualité d’enseignants, nous avons attendu, en vain jusqu’à présent, que notre gouvernement nous donne les moyens de lutter contre les inégalités plutôt que de contribuer à les creuser, afin que nous puissions exprimer pleinement notre vocation, participer à l’édification et à l’épanouissement de ces adultes en devenir dont nous tenons littéralement l’avenir entre nos mains. 20 ans, ça compte un peu, non ? On pourrait songer que le gouvernement serait sensible à mon expérience, comme à celle de centaines de milliers d’enseignants, et de parents. Je ne désespère pas qu’il puisse retirer ses œillères : oui, non ? Laissez-moi rêver !
Djamila KOUES