Quand confinement rime avec aveuglement, nos enfants trinquent !
Seconde partie.
J’enseigne le français, pas l’informatique. Les ratés peuvent être quotidiens,
les coupures d’accès à Internet qu’on ne sait pas rétablir…quand accès il y a.
Alors même qu’il est si difficile de maintenir l’attention des élèves, ces
multiples petits incidents achèvent de décourager les moins bien lotis.
Que dire de ceux qui vivent dans un espace restreint avec leurs parents,
lesquels ne parlent pas forcément français et lorsque c’est le cas, ne sont
pas toujours en mesure d’accompagner les efforts laborieux de leurs
enfants. De la tension qui naît quasi automatiquement de la situation de
confinement, ce qui n’enlève rien à l’amour des parents pour leurs enfants,
et réciproquement.


Soyons sérieux. Pense-t-on vraiment que cet élève qui n’avait pas pu, faute
de moyens, acheter le dernier roman étudié ou pas assez de feuilles doubles
pour rédiger sa rédaction se soit muni soudainement et par des moyens
venus d’on ne sait-où, d’un ordinateur dernier cri (ou d’un ordinateur juste
en état de fonctionner) ? Comme souvent, il existe un gouffre entre les
déclarations (auto)satisfaites de nos autorités politiques et la réalité
concrète que l’on constate chaque jour et face à laquelle on doit vraiment
lutter pour ne pas céder au découragement.


Même lorsque les conditions matérielles minimales sont réunies, est-on
certain qu’un adulte bienveillant et disponible peut s’assurer que le travail
est convenablement effectué ? Avec toute la bonne volonté du monde, le
parent en télétravail ne peut se dédoubler, ayant déjà sa part de boulot et
de stress, et ne peut, décemment, effectuer en partie le nôtre (en plus de
celui, éventuellement, de la crèche ou de la garderie). Il n’est pas certain
qu’il soit dans les meilleures dispositions pour accompagner son enfant
dans cette situation bien particulière d’apprentissage, qui nous,
enseignants, nous dépasse déjà.


Ne nous cachons pas la réalité. Bien sûr, l’élève qui, déjà, prenait des cours
particuliers (et c’est tant mieux pour lui) pourra certainement continuer à
en bénéficier. Son copain, dont les parents ne sont ni en mesure de l’aider
par leurs propres moyens ni de faire appel à des professionnels, est
évidemment bien moins loti.
Le confinement est comme un miroir grossissant des failles et limites de
notre modèle de société. Les conditions même de son avènement,
l’effondrement de notre système de santé qu’il donne crûment à voir,
jettent une lumière crue sur les défaillances de notre société, en bien des
aspects.

De cela découle la difficulté à rendre concrètes les fameuses valeurs de la
République, affichées avec tant d’ostentation, sur les murs de nos écoles,
quand bien même nous y serions furieusement attachés.
L’éducation, on le sait, constitue , avec la santé, une priorité dans toute
démocratie digne de ce nom. Hélas, depuis des années déjà, de mesures
incomplètes ou inopérantes en coupes budgétaires drastiques, sans omettre
le gel d’indice des salaires, la diminution franche de notre pouvoir d’achat,
etc, les moyens nous manquent cruellement pour servir le beau projet qui
pourtant, préside au choix de notre profession. Donner les moyens –
matériels, humains- d’enseigner, passe nécessairement par la
reconnaissance réelle de notre profession, celle de centaines de milliers de
profs qui s’échinent à porter, à bout de bras, et depuis trop longtemps, un
système à bout de forces.
Le confinement, finalement, met au jour, avec une cruelle franchise, tout
cela, au-delà des bons mots, des promesses jamais tenues, des calculs
politiciens, et des instrumentalisations faciles.

2 éme partie


Vous pouvez nous soumettre vos textes si vous sentez en vous cette fibre si particulière qui vous donne l’envie de vous exprimer sur une page blanche. N’hésitez surtout pas, distillez à nos lecteurs un peu de votre talent, un soupçon de votre âme d’artiste.

Djamila KAOUES

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