Les figues
(Agnès Vassiliu)
Je retrouve en Crète mon amie anglaise Caroline, qui connaît bien cette île grecque et m’incite à venir l’y rejoindre en vacances.
Parmi les différentes excursions qu’elle me propose, nous partons un jour en car visiter un petit endroit dont j’ai maintenant oublié le nom. Trente minutes après, nous y sommes. Et là, émerveillement du lieu et notamment d’un magnifique figuier dont les fruits sont juteux à point. Je dois, je l’avoue, avoir ingurgité plus d’une douzaine de figues, sachant pertinemment que je n’en retrouverai pas d’aussi bonnes de si tôt. La balade suit son cours et l’heure de retour nous invite à reprendre le car en sens inverse.
Nous arrivons à trouver deux places assises malgré le monde et cinq minutes après le démarrage de ces trente minutes de voyage, un mal de ventre me prend, de celui qui ne supporte pas d’attendre une visite sur un trône, quel qu’il soit ! Il n’en existe pas dans le car et n’écoutant que mon courage, je fonce voir le chauffeur en lui demandant de s’arrêter car je dois descendre pour « barbouillements ». Tout ça en gestuel bien sûr, car je ne parle pas grec et il ne parle pas anglais ni français.
Le chauffeur prend les choses en main et me dit d’aller m’asseoir, ce que je fais, attendant la suite du programme, que j’espère instantanée. Il me fait porter un sac spécial « si vous avez mal au cœur, lâchez-vous !».
Horreur ! Il ne s’agit pas de cet orifice là et ça ne répond pas du tout à ma demande… Retour vers le chauffeur, mimes en tout genre pour descendre vite fait. Y’a urgence ! Il finit par supposer ma peine, arrête le car et m’ouvre la porte en grand.
Enfin comprise et presque guillerette, je descends à toute vitesse pour m’apercevoir, à ma grande stupeur, que nous sommes en rase campagne et qu’il
n’y a rien alentour pour se réfugier, ne serait-ce qu’un minimum ! L’arrière du car ne me semble pas convenir vu le passage de voitures trop proche et me voilà dodelinant de la tête, à droite, à gauche pour aller vivre ce grand moment de solitude qui m’attendait ! Oui, mais où ?
Je finis par repérer un pauvre arbuste en plein champ, dont le tronc n’est pas plus épais qu’un avant-bras ! Pas le choix, il faut faire vite car la
catastrophe s’annonce imminente ! Je cours les trente mètres qui séparent mon arbuste du car. Pas le temps de tourner autour pour savoir quelle serait la meilleure position et me voilà accroupie derrière (autant dire devant, c’est pareil vu l’épaisseur du tronc !) en train d’engager sans peine une fonction première bien connue de chacun devant mon car blindé de monde et donc de paire d’yeux inconnus. Ils étaient tous là !
Je leur ai offert un show gratuit et en direct qui m’a valu, à mon retour dans le car, ces dizaines de paires d’yeux amusés et de fous rires retenus en guise de comité d’accueil. Autant dire que je me suis jetée sur le premier journal grand format venu (quitte, même, à le lire à l’envers) pour me faire oublier et disparaître de la vue de chacun !
Les figues