Madame Nothomb,
Votre tribune sur notre gare m’a inspiré une réaction typiquement berrichonne : un haussement de sourcils amusé, suivi d’une « veillée de contre-argumentation » au coin du canal de Berry. Aussi, je vous réponds avec les armes de notre terroir :l’autodérision, l’histoire… et quelques fantômes littéraires comme témoins.
Permettez-moi de vous offrir une contre-plongée littéraire sur ce lieu – la gare de Vierzon – que vous fuyez comme Amélie fuit les miroirs.
Votre texte assassine… mais révèle une vérité inattendue : notre gare est un
palimpseste ferroviaire. Sous ses briques fonctionnalistes se cachent les stigmates de 1944 – ces « énigmes douloureuses »- que votre intuition a flairées. Les murs ont
vu passer des résistants, pas des fantômes. Les ténèbres ? C’est l’encre de
l’Histoire qui n’a pas fini de sécher.

Photo Berry républicain


« Lugubre », dites-vous ? J’aurais préféré « baroque modeste » comme les émaux
de votre Bruxelles natale.


L’extérieur semble rude mais venez donc goûter la douceur de notre ville.
Vous qui transformez l’angoisse en sublime « Péplum », permettez-moi un défi :
traversez le miroir de cette gare ! Je vous promets ainsi un antidote contre votre
mélancolie. La prochaine fois que le « train du cholestérol » stoppera chez nous,
franchissez le quai. Nous serons là, un exemplaire de « Ni d’Ève ni d’Adam » à la
main et une visite guidée en guise de talisman contre le néant.


Vous parlez de « ténèbres », Madame, mais savez-vous que le canal qui traverse
Vierzon porte en lui toute la poésie ombragée chère à George Sand ? Dans « La
Mare au Diable », elle écrit : « Le Berry a ses tristesses douces comme ses chants de
bouviers ». Nos eaux dormantes, nos saules pleureurs, ces chemins de halage où
glissaient jadis les mulets, tout cela respire une mélancolie fertile, bien loin du néant.
Si votre train s’était arrêté en journée, vous auriez vu dans le reflet, non des ténèbres
(même si votre intuition d’une « énigme douloureuse » derrière cette gare est juste)
mais la douleur de l’Histoire. Vierzon fut en effet, en 1944, un nœud de la Résistance.
George Sand, témoin des révolutions, aurait reconnu dans cette gare modeste la
vertu des humbles : « Les grands chemins de fer passeront, mais nos sentiers
garderont l’âme ». Sa sobriété est un camouflage, comme ces fermes berrichonnes
cachant des maquisards. Si Vierzon était un personnage de vos romans, il serait ce
vieil homme au passé de résistant, dont les cicatrices masquent un cœur
généreux…


Je vous lance un défi. Madame Nothomb, nous vous offrons une visite guidée de
Vierzon : si vous repartez sans un sourire, nous reconnaîtrons votre ‘néant’. Sinon,
vous nous dédicacez « Stupeur et Tremblements » dans notre gare !
Madame Nothomb, votre plume a croisé par hasard ma ville que j’aime
particulièrement. Laissez-donc le canal de Berry vous conter ses légendes d’eau et
de courage. Enfin, sachez que Vierzon est comme un personnage secondaire qui
réclame quelques rectificatifs.


Si Vierzon était l’un de vos personnages, ce serait ce vieux professeur bourru dont
la redingote râpée cache des poches pleines de pralines. Laissez-le vous
surprendre.


Si Vierzon était un livre, elle serait un « Almanach Vermot » annoté par George Sand
avec des croquets qui croquent, un canal qui philosophe, et une gare qui fait son
cinéma. Nous vous attendons pour écrire le prochain chapitre : « Nothomb en
Berrichonne ». Promis, on ne vous fera pas prendre le train du cholestérol mais une
« gabare des écrivains » sur notre bateau « Le Cher » et on vous fera découvrir le Berry
qui est comme un vieux livre qu’il faut savoir feuilleter avec lenteur.
Puissent ces mots vous séduire comme Vierzon a enchanté mon enfance et vous
donner envie de descendre du train.


Avec l’espoir de transformer votre « néant » en curiosité


Djamila KAOUES


Une professeure de français vierzonnaise, héritière des veillées sandiennes

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